Rizome-Bxl ASBL est un service d’aide aux justiciables agréé par la Commission Communautaire Commune de la Région de Bruxelles-Capitale. Lors de la sortie de prison et face à la situation de précarité qu’elle crée, l’accès au logement en lien avec des services d’aide est devenu une des priorités institutionnelles. Dans cet axe de travail, l’équipe logement gère un nouveau dispositif bruxellois de réinsertion et d’accès au logement au sein de l’ASBL, créé fin 2016 et soutenu par la COCOM et la Fédération Wallonie-Bruxelles.

 

La Maison Bambou fait partie de ce dispositif depuis 2019 et Hélène témoigne de son expérience personnelle.

 

Le revers de la libération : « J’ai pris une méga claque à la sortie »

 

Après 7 ans et 8 mois de prison, Hélène vit la sortie de prison comme une « méga claque ».  Elle nous explique comment elle a préparé sa libération, lors de sa détention en Wallonie et à Bruxelles. « Le problème c’est qu’on ne trouvait pas de solutions dans la ville où j’étais. Mon assistante sociale disait qu’eux travaillaient surtout avec les hommes de la prison voisine. C’est moi qui ai fait les démarches moi-même. J’ai juste gardé ma psychologue. Arrivée à Berkendael , j’ai entendu parler de Rizome-Bxl par les filles. En prison c’est le bouche à oreille, sinon, j’avais personne ».

 

Lorsqu’Hélène a expliqué sa situation à une travailleuse sociale de l’ASBL, celle-ci lui a parlé de la maison Bambou et de l’équipe logement. « Je ne sais pas dire combien de temps a pris le processus de candidature. Alice est venue plusieurs fois pendant plusieurs mois ». Même si Madame a pu bénéficier de sorties accompagnées pour préparer sa libération, sortir dans une ville qu’elle ne connait pas est le début d’un long parcours semé d’embûches sociales, administratives, financières, émotionnelles et de santé. « Ce n’est pas en congé que tu te réhabitues à la vie extérieure. Là tu sors et tu sais que tu ne retournes plus dans la prison ». Après un long processus de candidature, de remise en ordre administrative et de passages au Tribunal d’Application des Peines, Hélène est libérée, soudainement, avec l’aide de l’équipe logement et du réseau professionnel qui l’entourait.

 

« La première semaine m’a tué avec toutes les démarches à faire, CPAS, mutuelle, compte en banque, le changement d’adresse. On a fait la maison médicale aussi. On a fait pas mal de choses la première semaine. Il faut se mettre en ordre au niveau citoyenneté. La deuxième semaine, je commençais mon bénévolat. Je n’ai pas eu de temps pour souffler un peu. On est tellement focalisé sur le respect des conditions, tu ne veux pas te foirer pour ne pas retourner en prison donc tu fais tout bien dans les meilleurs délais ». Pour Hélène, le cadre de la maison et l’accompagnement s’avèrent essentiel. Elle s’est sentie rassurée et le fait d’avoir un toit lui a semblé déjà exceptionnel. Elle a apprécié être accueillie par une autre habitante. Elles se connaissaient de la prison et s’entendaient déjà bien. La présence de l’autre est un vrai repère et elle explique que les règles de la maison sont rassurantes bien que parfois contraignantes (pas d’invités, pas d’enfants dans la maison, être disponibles au minimum une fois par semaine pour le collectif,…). « Les réunions communautaires une fois par semaine, c’était pour voir comment je me sentais, faire un planning qui m’intéresse, on a fait la charte des locataires. On a discuté du respect mutuel, la parole, les règles, tout ça quoi. C’est très important pour moi. Pas d’alcool, pas de drogue, l’adresse de la maison est confidentielle c’est hyper important ».

C’est la référente de la maison qui anime les réunions et propose des activités aux habitantes, selon leurs envies ou besoins. « Elle est là pour le bon fonctionnement et aussi pour nous aider. On peut lui poser des questions et quand il y a un problème on peut en parler. Ça facilite de passer par elle. Elle peut transmettre nos demandes à l’Agence Immobilière Sociale.

 

Madame regrette que malgré l’encadrement de l’ASBL et la solidarité naturelle entre locataires, certaines conditions de justice s’imposent aux habitantes et peuvent compliquer le vivre ensemble. Hélène ne pouvait pas entretenir de relations avec certaines locataires (ex-détenues) en dehors des activités organisées, faire ses courses ensemble par exemple.

 

Faire de cet hébergement, un foyer temporaire : « La maison Bambou, c’est chez moi et c’est pas chez moi »

 

La maison Bambou propose une période de transition parce que la convention d’occupation a une durée de 18 mois maximum mais aussi car elle permet de « se reconstruire » ou de rebondir à la sortie de prison. « Je ne parle pas pour les petites peines mais pour les longues peines, la période de transit, c’est primordial pour ne pas être lâchée comme ça dans la nature ». Pendant la période de transition, les semaines sont donc rythmées par des occupations (formation, bénévolat, emplois,…), les démarches administratives, les soins médicaux et la vie communautaire.

 

L’équilibre d’une vie en collectif étant fragile, à chaque nouvelle sortie ou entrée dans la maison, les locataires restantes se posent des questions et craignent l’inconfort d’une nouvelle dynamique. Tous ces questionnements liés à la vie communautaire a fait grandir, pour Hélène, le besoin de poursuivre son projet de vie et de quitter petit à petit la vie en colocation. « Je ressens le besoin d’avoir un chez moi. La maison Bambou c’est chez moi et c’est pas chez moi. Je ne peux pas dire que c’est à moi, si j’avais un chez moi, je ferais Noël à la maison avec mes enfants ». Après quelques mois passés dans la maison Bambou, il n’y a plus rien qui retiendrait Hélène si ce n’est l’accompagnement social. « J’aurai toujours des contacts avec Rizome. Ça me rassure un peu ».

 

Hélène a organisé son accompagnement social sur du long terme, pendant la détention et après la libération. Cette solution de logement était une étape cruciale et elle a pu trouver dans les différents services d’aide et de soins, toute la disponibilité et la bienveillance nécessaire pour demander de l’aide lorsqu’elle en ressent le besoin. L’équipe logement continuera à l’accompagner à sa demande dans son futur logement et son intervention prendra fin une fois qu’Hélène sera installée durablement.

 

Le témoignage d’Hélène nous rappelle que la sortie de prison est une étape charnière dans le processus de libération de la personne. Elle peut déterminer un possible basculement à la rue ou une réintégration précipitée si les conditions de réinsertion minimales ne sont pas réunies. La maison Bambou propose une structure innovante, en lien avec les services spécifiques de l’aide aux justiciables, qui donne accès à un hébergement collectif à petite échelle. Cette structure allie un accompagnement régulier dans des démarches variées et une autonomie des locataires dans la gestion quotidienne puisque la présence de l’institution est ponctuelle.

 

L’hébergement encourage, par la proposition de ses activités variées, l’accès à la culture et aux loisirs en plus d’un soutien dans l’accomplissement de ses objectifs individuels (emploi, santé, administratif, famille,…). Le communautaire semble rassurer après une période de vie carcérale collective mais peut atteindre ses limites plus ou moins rapidement. Cela pousse les locataires à se diriger vers un espace de vie personnel de leur plein gré. Ainsi, la maison n’a pas vocation d’être un espace d’accueil, ni d’urgence, ni durable ; mais bien un lieu de transition vers plus d’autonomie de la personne bénéficiaire.

Maison de transit à Bruxelles – collocation de 4 personnes – accompagnement collectif et individuel – contact Alice Michaux.

Depuis octobre 2019 la maison a pu accueillir 12 femmes en situation de précarité dont 8 sortantes de prison. Toutes ont séjourné pour des durées d’1 mois à 12 mois sur les 18 mois maximum proposés.